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Beginner (A1/A2)
Perfect if you’re just starting out or brushing up on the basics, this level builds a strong foundation!
⭐
One star
Intermediate (B1/B2)
For adventurers ready to take on more complex challenges, this level bridges the gap to fluency!
⭐⭐
Two stars
Advanced (C1/C2)
If you’re comfortable with almost everything in French and ready for high-level texts, this is your path!
⭐⭐⭐
Three stars
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CHAPITRE II — LES OPINIONS
Quand ces événements ont eu lieu, je revenais d’un voyage scientifique aux États-Unis, dans le Nebraska. J’étais professeur au Muséum d’histoire naturelle de Paris, et le gouvernement français m’avait demandé de participer à cette mission. Après six mois sur place, je suis arrivé à New York à la fin du mois de mars. Je devais retourner en France au début du mois de mai. En attendant, je classais mes collections de plantes et de roches. C’est alors que l’incident du Scotia s’est produit.
Tout le monde parlait de ce mystère. J’avais lu beaucoup de journaux sans trouver de réponse claire. À mon arrivée à New York, beaucoup de gens pensaient qu’il s’agissait d’un grand animal marin. Certains disaient que c’était un rocher flottant, mais cela ne pouvait pas expliquer la grande vitesse de l’objet.
Il restait deux possibilités : un animal marin très grand ou un sous-marin inconnu. Mais l’idée d’un sous-marin fut rejetée, car personne ne pouvait en construire un sans que cela soit connu, et les gouvernements ont dit qu’ils n’en avaient pas.
J’avais écrit un livre sur les créatures des grandes profondeurs, alors des gens ont voulu connaître mon avis. J’ai fini par écrire un article dans un journal. J’y disais que si l’on connaissait déjà tous les animaux marins, ce monstre devait être un narval géant. Un narval a une longue défense qui peut percer des objets. Si ce narval était beaucoup plus grand, il pourrait percer la coque d’un bateau comme le Scotia.
Mon article a été discuté par beaucoup de personnes. Certains pensaient que la mer cachait encore de grandes créatures. Une frégate appelée Abraham-Lincoln fut préparée à New York pour partir à la recherche du monstre. Le départ était urgent, car l’animal avait été vu dans le Pacifique nord.
Trois heures avant le départ, j’ai reçu une lettre m’invitant à rejoindre l’expédition. Je ne pouvais pas dire non.
– TO BE CONTINUED –
1- Le professeur était au Nebraska pour des vacances.
2- Le départ du professeur pour la France était prévu pour le début de mai.
3- L’incident du Scotia a eu lieu avant l’arrivée du professeur à New York.
4- Le professeur pensait que le monstre était un rocher flottant.
5- La frégate s’appelait l’Abraham-Lincoln et elle devait partir à la chasse du monstre.
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CHAPITRE II — LE POUR ET LE CONTRE
À l’époque où ces événements se produisirent, je revenais d’une expédition scientifique dans les terres du Nebraska, aux États-Unis. En tant que professeur au Muséum d’Histoire naturelle de Paris, le gouvernement français m’avait envoyé pour cette mission. Après six mois d’exploration, je revins à New York à la fin du mois de mars, prêt à repartir en France début mai. Pendant cette période d’attente, je m’occupais de classer mes précieuses collections de minéraux, plantes et animaux. C’est alors que l’incident étrange du Scotia eut lieu.
Tout le monde parlait de cette affaire. Les journaux américains et européens ne parlaient que de ça, mais les réponses manquaient. Des théories circulaient : certains disaient que c’était un monstre marin gigantesque, tandis que d’autres parlaient d’un bateau sous-marin doté d’une grande puissance. Ces hypothèses divisaient la population en deux groupes. Je savais qu’il se passait quelque chose d’étrange. Pourtant, plusieurs questions restaient sans réponse. Comment un simple rocher flottant ou une épave aurait-elle pu bouger à une telle vitesse ?
L’idée d’un bateau sous-marin secret fut aussi envisagée. Mais cela semblait improbable. Où et comment un tel engin aurait-il été construit et gardé secret ? Les enquêtes menées en France, en Angleterre et dans d’autres pays ne révélèrent rien. Aucun État ne pouvait posséder une telle machine sans que cela ne soit découvert. Finalement, cette hypothèse fut rejetée, et l’idée d’un monstre marin revint sur le devant de la scène. Des histoires incroyables circulaient, racontant des créatures géantes qui auraient échappé à toute observation humaine.
Quand j’arrivai à New York, plusieurs personnes vinrent me demander mon avis sur le sujet. J’étais connu dans le milieu scientifique grâce à un livre que j’avais écrit, Les Mystères des grands fonds marins. Cet ouvrage m’avait valu une certaine notoriété et m’avait établi comme spécialiste. Bien que j’aie d’abord refusé de croire à ce phénomène, je dus finalement exprimer mon opinion. Le 30 avril, le New York Herald publia un article dans lequel je proposai une explication : un narval géant, une licorne de mer.
Je détaillai que, même si un narval mesure en général soixante pieds, on pouvait imaginer un animal beaucoup plus grand, doté d’une force extraordinaire. Ce narval aurait une défense d’une dureté exceptionnelle, capable de percer la coque des navires. Je mentionnai même un spécimen au musée de Paris dont la défense mesurait plus de deux mètres. Cela prouvait la puissance de ces animaux. Si l’on imaginait un narval dix fois plus grand et rapide, il pourrait provoquer des accidents maritimes comme celui du Scotia.
Mon article fut très discuté et fit sensation. Beaucoup de scientifiques soutinrent mon hypothèse, tandis que d’autres restaient sceptiques. Cependant, l’idée d’une créature marine extraordinaire captiva l’imagination du public. La mer, vaste et mystérieuse, pouvait-elle abriter des animaux gigantesques encore inconnus ? Après tout, l’océan n’avait pas encore révélé tous ses secrets. Certains pensaient que d’autres créatures géantes, comme des mollusques ou des crustacés, pouvaient exister dans ses profondeurs.
Les discussions ne se limitèrent pas au monde scientifique. Aux États-Unis et en Angleterre, de nombreuses personnes pensaient qu’il fallait agir. Les compagnies maritimes, inquiètes pour la sécurité de leurs navires, poussèrent les gouvernements à prendre des mesures. Les journaux spécialisés dans le commerce et le transport maritime soutinrent cette idée, car les assureurs menaçaient d’augmenter les tarifs en raison des risques.
Ainsi, l’idée d’une expédition pour chasser et capturer le monstre devint réalité. Une frégate appelée Abraham-Lincoln fut préparée pour cette mission. Le commandant Farragut, un marin respecté, reçut l’ordre de partir le plus vite possible. L’équipage s’activa à charger le navire de vivres, de charbon et d’armes adaptées pour une telle chasse. L’impatience montait, car le monstre n’avait plus été aperçu depuis quelque temps, comme s’il savait qu’on le traquait.
Cependant, un message changea tout. Un bateau venant de Californie rapporta qu’il avait aperçu la créature dans le Pacifique Nord trois semaines plus tôt. Cette nouvelle provoqua une grande émotion. On demanda au commandant Farragut de partir sans délai. Les préparatifs étaient déjà bien avancés, et l’équipage se mit en route dès que l’ordre fut donné.
Le matin du départ, je reçus une lettre officielle de la marine américaine. Elle disait : « Monsieur Aronnax, si vous voulez participer à l’expédition de l’Abraham-Lincoln, le gouvernement de l’Union verra avec plaisir la France représentée par vous. Une cabine vous est réservée. » Cette invitation me parut excitante et inquiétante à la fois. J’acceptai, curieux de savoir si nous allions découvrir la vérité sur ce mystère marin.
Mon départ pour l’expédition marqua le début d’une aventure unique, où l’inconnu, la mer et ses secrets allaient me révéler bien plus que ce que je pouvais imaginer.
– À SUIVRE –
1- Le professeur Aronnax revenait d’une expédition en Amérique du Sud.
2- Le professeur Aronnax travaillait au Muséum d’histoire naturelle de Paris.
3- L’incident étrange mentionné dans le texte concernait le Titanic.
4- Une des théories sur le phénomène parlait d’un rocher flottant.
5- Le professeur pensait que l’idée d’un bateau sous-marin secret était probable.
6- L’article publié par le professeur Aronnax dans le New York Herald proposait l’idée d’un mollusque géant.
7- Le narval mentionné par le professeur avait une défense mesurant plus de deux mètres.
8- Le public fut captivé par l’idée d’une créature marine extraordinaire.
9- Le commandant du navire Abraham-Lincoln s’appelait commandant Jones.
10- Le professeur Aronnax refusa l’invitation à participer à l’expédition.
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CHAPITRE II — LE POUR ET LE CONTRE
A l’époque où ces événements se produisirent, je revenais d’une exploration scientifique entreprise dans les mauvaises terres du Nébraska, aux États-Unis. En ma qualité de professeur-suppléant au Muséum d’histoire naturelle de Paris, le gouvernement français m’avait joint à cette expédition. Après six mois passés dans le Nébraska, chargé de précieuses collections, j’arrivai à New-York vers la fin de mars. Mon départ pour France était fixé aux premiers jours de mai. Je m’occupais donc, en attendant, de classer mes richesses minéralogiques, botaniques et zoologiques, quand arriva l’incident du Scotia.
J’étais parfaitement au courant de la question à l’ordre du jour, et comment ne l’aurais-je pas été ? J’avais lu et relu tous les journaux américains et européens sans être plus avancé. Ce mystère m’intriguait. Dans l’impossibilité de me former une opinion, je flottais d’un extrême à l’autre. Qu’il y eût quelque chose, cela ne pouvait être douteux, et les incrédules étaient invités à mettre le doigt sur la plaie du Scotia.
A mon arrivée à New-York, la question brûlait. L’hypothèse de l’îlot flottant, de l’écueil insaisissable, soutenue par quelques esprits peu compétents, était absolument abandonnée. Et, en effet, à moins que cet écueil n’eût une machine dans le ventre, comment pouvait-il se déplacer avec une rapidité si prodigieuse ?
De même fut repoussée l’existence d’une coque flottante, d’une énorme épave, et toujours à cause de la rapidité du déplacement.
Restaient donc deux solutions possibles de la question, qui créaient deux clans très-distincts de partisans : d’un côté, ceux qui tenaient pour un monstre d’une force colossale ; de l’autre, ceux qui tenaient pour un bateau « sous-marin » d’une extrême puissance motrice.
Or, cette dernière hypothèse, admissible après tout, ne put résister aux enquêtes qui furent poursuivies dans les deux mondes. Qu’un simple particulier eût à sa disposition un tel engin mécanique, c’était peu probable. Où et quand l’eût-il fait construire, et comment aurait-il tenu cette construction secrète ?
Seul, un gouvernement pouvait posséder une pareille machine destructive, 8et, en ces temps désastreux où l’homme s’ingénie à multiplier la puissance des armes de guerre, il était possible qu’un État essayât à l’insu des autres ce formidable engin. Après les chassepots, les torpilles, après les torpilles, les béliers sous-marins, puis,—la réaction. Du moins, je l’espère.
Mais l’hypothèse d’une machine de guerre tomba encore devant la déclaration des gouvernements. Comme il s’agissait là d’un intérêt public, puisque les communications transocéaniennes en souffraient, la franchise des gouvernements ne pouvait être mise en doute. D’ailleurs, comment admettre que la construction de ce bateau sous-marin eût échappé aux yeux du public ? Garder le secret dans ces circonstances est très-difficile pour un 9particulier, et certainement impossible pour un État dont tous les actes sont obstinément surveillés par les puissances rivales.
Donc, après enquêtes faites en Angleterre, en France, en Russie, en Prusse, en Espagne, en Italie, en Amérique, voire même en Turquie, l’hypothèse d’un Monitor sous-marin fut définitivement rejetée.
Le monstre revint donc à flots, en dépit des incessantes plaisanteries dont le lardait la petite presse et, dans cette voie, les imaginations se laissèrent bientôt aller aux plus absurdes rêveries d’une ichthyologie fantastique.
A mon arrivée à New-York, plusieurs personnes m’avaient fait l’honneur de me consulter sur le phénomène en question. J’avais publié en France un ouvrage in-quarto en deux volumes intitulé : les Mystères des grands 10fonds sous-marins. Ce livre, particulièrement goûté du monde savant, faisait de moi un spécialiste dans cette partie assez obscure de l’histoire naturelle. Mon avis me fut demandé. Tant que je pus nier la réalité du fait, je me renfermai dans une absolue négation. Mais bientôt, collé au mur, je dus m’expliquer catégoriquement. Et même, « l’honorable Pierre Aronnax, professeur au Muséum de Paris, » fut mis en demeure par le New-York-Herald de formuler une opinion quelconque.
Je m’exécutai. Je parlai faute de pouvoir me taire. Je discutai la question sous toutes ses faces, politiquement et scientifiquement, et je donne ici un extrait d’un article très-nourri que je publiai dans le numéro du 30 avril.
« Ainsi donc, disais-je, après avoir examiné une à une les diverses hypothèses, toute autre supposition étant rejetée, il faut nécessairement admettre l’existence d’un animal marin d’une puissance excessive.
« Les grandes profondeurs de l’Océan nous sont totalement inconnues. La sonde n’a su les atteindre. Que se passe-t-il dans ces abîmes reculés ? Quels êtres habitent et peuvent habiter à douze ou quinze milles au-dessous de la surface des eaux ? Quel est l’organisme de ces animaux ? On saurait à peine le conjecturer.
« Cependant, la solution du problème qui m’est soumis peut affecter la forme du dilemme.
« Ou nous connaissons toutes les variétés d’êtres qui peuplent notre planète, ou nous ne les connaissons pas.
« Si nous ne les connaissons pas toutes, si la nature a encore des secrets pour nous en ichthyologie, rien de plus acceptable que d’admettre l’existence de poissons ou de cétacés, d’espèces ou même de genres nouveaux, d’une organisation essentiellement « fondrière », qui habitent les couches inaccessibles à la sonde, et qu’un événement quelconque, une fantaisie, un caprice, si l’on veut, ramène à de longs intervalles vers le niveau supérieur de l’Océan.
« Si, au contraire, nous connaissons toutes les espèces vivantes, il faut nécessairement chercher l’animal en question parmi les êtres marins déjà catalogués, et dans ce cas, je serais disposé à admettre l’existence d’un Narwal géant.
« Le narwal vulgaire ou licorne de mer atteint souvent une longueur de soixante pieds. Quintuplez, décuplez même cette dimension, donnez à ce cétacé une force proportionnelle à sa taille, accroissez ses armes offensives, et vous obtenez l’animal voulu. Il aura les proportions déterminées par les officiers du Shannon, l’instrument exigé par la perforation du Scotia, et la puissance nécessaire pour entamer la coque d’un steamer.
« En effet, le narwal est armé d’une sorte d’épée d’ivoire, d’une hallebarde, suivant l’expression de certains naturalistes. C’est une dent principale qui a la dureté de l’acier. On a trouvé quelques-unes de ces dents implantées dans le corps des baleines que le narwal attaque toujours avec succès. D’autres ont été arrachées, non sans peine, de carènes de vaisseaux qu’elles avaient percées d’outre en outre, comme un foret perce un tonneau. Le musée de la Faculté de médecine de Paris possède une de ces défenses longue de deux mètres vingt-cinq centimètres, et large de quarante-huit centimètres à sa base !
« Eh bien ! supposez l’arme dix fois plus forte, et l’animal dix fois plus puissant, lancez-le avec une rapidité de vingt milles à l’heure, multipliez sa masse par sa vitesse, et vous obtenez un choc capable de produire la catastrophe demandée.
« Donc, jusqu’à plus amples informations, j’opinerais pour une licorne de mer, de dimensions colossales, armée, non plus d’une hallebarde, mais d’un véritable éperon comme les frégates cuirassées ou les « rams » de guerre, dont elle aurait à la fois la masse et la puissance motrice.
« Ainsi s’expliquerait ce phénomène inexplicable,—à moins qu’il n’y ait rien, en dépit de ce qu’on a entrevu, vu, senti et ressenti,—ce qui est encore possible ! »
Ces derniers mots étaient une lâcheté de ma part ; mais je voulais jusqu’à un certain point couvrir ma dignité de professeur, et ne pas trop prêter à rire aux Américains, qui rient bien, quand ils rient. Je me réservais une échappatoire. Au fond, j’admettais l’existence du « monstre ».
Mon article fut chaudement discuté, ce qui lui valut un grand retentissement. Il rallia un certain nombre de partisans. La solution qu’il proposait, d’ailleurs, laissait libre carrière à l’imagination. L’esprit humain se plaît à ces conceptions grandioses d’êtres surnaturels. Or la mer est précisément leur meilleur véhicule, le seul milieu où ces géants,—près desquels les animaux terrestres, éléphants ou rhinocéros, ne sont que des nains,—puissent se produire et se développer. Les masses liquides transportent les plus grandes espèces connues de mammifères, et peut-être recèlent-elles des mollusques d’une incomparable taille, des crustacés effrayants à contempler, tels que seraient des homards de cent mètres ou des crabes pesant deux cents tonnes ! Pourquoi non ? Autrefois, les animaux terrestres, contemporains des époques géologiques, les quadrupèdes, les quadrumanes, les reptiles, les oiseaux étaient construits sur des gabarits gigantesques. Le Créateur les avait jetés dans un moule colossal que le temps a réduit peu à peu. Pourquoi la mer, dans ses profondeurs ignorées, n’aurait-elle pas gardé ces vastes échantillons de la vie d’un autre âge, elle qui ne se modifie jamais, alors que le noyau terrestre change presque incessamment ? Pourquoi ne cacherait-elle pas dans son sein les dernières variétés de ces espèces titanesques, dont les années sont des siècles, et les siècles des millénaires ?
Mais je me laisse entraîner à des rêveries qu’il ne m’appartient plus d’entretenir ! Trêve à ces chimères que le temps a changées pour moi en réalités terribles. Je le répète, l’opinion se fit alors sur la nature du phénomène, et le public admit sans conteste l’existence d’un être prodigieux qui n’avait rien de commun avec les fabuleux serpents de mer.
Mais si les uns ne virent là qu’un problème purement scientifique à résoudre, les autres, plus positifs, surtout en Amérique et en Angleterre, furent d’avis de purger l’Océan de ce redoutable monstre, afin de rassurer les communications transocéaniennes. Les journaux industriels et commerciaux traitèrent la question principalement à ce point de vue. La Shipping and Mercantile Gazette, le Lloyd, le Paquebot, la Revue maritime et coloniale, toutes les feuilles dévouées aux Compagnies d’assurances qui menaçaient d’élever le taux de leurs primes, furent unanimes sur ce point.
L’opinion publique s’étant prononcée, les États de l’Union se déclarèrent les premiers. On fit à New-York les préparatifs d’une expédition destinée à poursuivre le narwal. Une frégate de grande marche, l’Abraham-Lincoln, se mit en mesure de prendre la mer au plus tôt. Les arsenaux furent ouverts au commandant Farragut, qui pressa activement l’armement de sa frégate.
Précisément, et ainsi que cela arrive toujours, du moment que l’on se fut décidé à poursuivre le monstre, le monstre ne reparut plus. Pendant deux mois, personne n’en entendit parler. Aucun navire ne le rencontra. Il semblait que cette Licorne eût connaissance des complots qui se tramaient contre elle. On en avait tant causé, et même par le câble transatlantique ! Aussi les plaisants prétendaient-ils que cette fine mouche avait arrêté au passage quelque télégramme dont elle faisait maintenant son profit.
Donc, la frégate armée pour une campagne lointaine et pourvue de formidables engins de pêche, on ne savait plus où la diriger. Et l’impatience allait croissant, quand, le 2 juillet, on apprit qu’un steamer de la ligne de San-Francisco de Californie à Shangaï avait revu l’animal, trois semaines auparavant, dans les mers septentrionales du Pacifique.
L’émotion causée par cette nouvelle fut extrême. On n’accorda pas vingt-quatre heures de répit au commandant Farragut. Ses vivres étaient embarqués. Ses soutes regorgeaient de charbon. Pas un homme ne manquait à son rôle d’équipage. Il n’avait qu’à allumer ses fourneaux, à chauffer, à démarrer ! On ne lui eût pas pardonné une demi-journée de retard ! D’ailleurs, le commandant Farragut ne demandait qu’à partir.
Trois heures avant que l’Abraham-Lincoln ne quittât la pier de Brooklyn, je reçus une lettre libellée en ces termes :
« Monsieur Aronnax, professeur au Muséum de Paris,
« Fifth Avenue Hotel.
« New-York.
« Monsieur,
« Si vous voulez vous joindre à l’expédition de l’Abraham-Lincoln, le gouvernement de l’Union verra avec plaisir que la France soit représentée par vous dans cette entreprise. Le commandant Farragut tient une cabine à votre disposition.
« Très-cordialement, votre
« J.-B. Hobson,
« Secrétaire de la marine. »
– À SUIVRE –
1- Pierre Aronnax était déjà retourné à Paris avant que l’incident du Scotia ne se produise.
2- L’hypothèse d’une épave flottante a été rejetée à cause de la lenteur de son déplacement.
3- La frégate Abraham-Lincoln a été équipée d’engins de pêche pour sa campagne.
4- Le musée de la Faculté de médecine de Paris possède une défense de narwal mesurant plus de deux mètres.
5- Pierre Aronnax a refusé de donner son avis sur le phénomène avant d’être contraint par un journal.
6- Les journaux européens n’ont pas discuté l’article publié par Pierre Aronnax.
7- Les gouvernements ont tous nié la construction d’un sous-marin de guerre secret.
8- La question de la nature du phénomène a été rapidement résolue par les scientifiques américains.
9- La théorie d’un îlot flottant a été soutenue par les esprits les plus compétents.
10- Pierre Aronnax a reçu une invitation à se joindre à l’expédition de l’Abraham-Lincoln directement du commandant Farragut.
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Voici le deuxième chapitre du roman de Jules Verne, publié en 1869. Après une introduction détaillée, le véritable protagoniste et narrateur de l’histoire, Pierre Aronnax, apparaît pour la première fois. Comme on pouvait s’y attendre, il est scientifique, ce qui permet à Verne de conserver un style d’écriture scientifique, même en passant désormais à la première personne.
Dans ce chapitre, le professeur Aronnax tente de résoudre le mystère des observations étranges et de l’attaque du Scotia en s’appuyant sur des raisonnements rationnels. Il écarte rapidement l’hypothèse d’une machine artificielle. Son argument est que la construction d’une arme aussi gigantesque et révolutionnaire aurait été impossible à réaliser sans attirer l’attention. Les grandes puissances militaires mondiales, se surveillant mutuellement avec méfiance, disposent d’espions omniprésents. Ce passage reflète le vif intérêt de Verne pour la technologie militaire contemporaine.
L’auteur mentionne, par exemple, le nouveau fusil à chargement par la culasse, le Chassepot, produit en France à partir de 1866. Ce fusil a remplacé le Minie, une arme encore chargée par la bouche. De son côté, l’armée allemande avait adopté le fusil Dreyse, également à chargement par la culasse, qui avait infligé des pertes considérables à l’armée autrichienne lors de la bataille de Königsgrätz en 1866. Ce succès technique s’expliquait par plusieurs avantages : alors que les soldats autrichiens devaient charger leurs fusils debout, exposés, les Prussiens pouvaient tirer couchés, tout en restant à couvert. De plus, le processus de chargement du Dreyse était plus simple et rapide. Le Chassepot français, réponse à cette avancée prussienne, représentait une amélioration technique supplémentaire.
Verne évoque également l’USS Monitor, le premier cuirassé utilisé par les États du Nord pendant la guerre de Sécession. Ce navire innovant se présentait comme une plateforme flottante, lourdement blindée, équipée de deux canons de 279 mm tirant des projectiles de 68 kg. Propulsé par une machine à vapeur, il ne s’élevait qu’à 47 cm au-dessus de la ligne de flottaison pour réduire son exposition. En mars 1862, le Monitor affronta le Virginia, une frégate blindée du Sud, lors de la bataille de Hampton Roads. Les deux navires, dotés de blindages si robustes qu’ils ne pouvaient causer de dommages significatifs l’un à l’autre, étaient également équipés de béliers. Cette caractéristique pourrait bien avoir inspiré certains éléments du roman.
Après avoir rejeté l’hypothèse d’une machine, Aronnax explore la possibilité d’une origine animale. Il se demande si des espèces connues pourraient être responsables ou si une espèce totalement inconnue pourrait expliquer les faits. Il en vient finalement à l’hypothèse d’un narval géant, cinq à dix fois plus grand que les spécimens observés, capable de causer des dégâts comparables à ceux subis par le Scotia.
Le narval, une baleine à dents des mers arctiques, est célèbre pour sa longue défense mesurant plus de 2,5 mètres. À ce jour, les scientifiques débattent encore de sa fonction : s’agit-il d’un attribut de dominance pour la reproduction, comme les plumes des paons, ou d’un organe sensoriel parcouru de nerfs ? À l’époque, la science ne pouvait expliquer la signification exacte de cette dent, et Verne s’en fait l’écho dans son récit. Cependant, Aronnax garde l’esprit ouvert, admettant que d’autres explications, qu’elles soient animales ou fruits de l’imagination humaine, restent envisageables.Le chapitre se termine par une invitation faite à Aronnax : participer à la chasse au monstre marin à bord de l’Abraham Lincoln, un navire spécialement équipé pour cette mission. Ce dénouement laisse le lecteur impatient de découvrir la suite.
– Sepp
2 Comments
Jackie · November 12, 2024 at 6:27 am
C’est drôle comment les hypothèses scientifiques peuvent remettre en question notre compréhension des océans. Ton exploration approfondie du sujet est très stimulante.
JEROME - FRENCH WITH STORIES · November 20, 2024 at 4:52 pm
Merci pour ton commentaire ! Les hypothèses scientifiques modernes ajoutent vraiment une nouvelle dimension aux récits de Verne, et c’est fascinant de voir à quel point ses idées étaient visionnaires 🙂