Note: Enjoy the original French text of Jules Verne‘s 20,000 Leagues Under the Sea (⭐⭐⭐), or choose adapted versions for your level (⭐⭐ or ⭐) in the tabs below! 😊
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Beginner (A1/A2)
Perfect if you’re just starting out or brushing up on the basics, this level builds a strong foundation!
⭐
One star
Intermediate (B1/B2)
For adventurers ready to take on more complex challenges, this level bridges the gap to fluency!
⭐⭐
Two stars
Advanced (C1/C2)
If you’re comfortable with almost everything in French and ready for high-level texts, this is your path!
⭐⭐⭐
Three stars
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CHAPITRE III — CONSEIL
Un jour, je reçus une lettre importante. Elle venait du secrétaire de la marine des États-Unis. Cette lettre me parlait d’un grand monstre marin : la Licorne. Ils voulaient que je parte à sa recherche. Au début, je ne savais pas si je voulais y aller. J’étais fatigué après un long voyage. Je voulais rentrer chez moi, à Paris, et retrouver mes collections. Mais, finalement, j’acceptai. L’aventure m’appelait !
Je criai : « Conseil ! »
Conseil, c’est mon domestique. Il est toujours avec moi dans mes voyages. Il est gentil, fort et très calme. Il n’a jamais peur. Conseil aime tout classer : les animaux, les plantes, tout ! Mais il ne sait pas toujours bien les reconnaître. Par exemple, il ne distingue pas une baleine d’un cachalot !
« Conseil ! » répétais-je.
Enfin, il arriva et dit : « Monsieur m’appelle ? »
« Oui ! Nous partons dans deux heures. Prépare les valises. »
Il répondit : « Comme il plaira à monsieur. »
Je lui demandai de prendre mes vêtements et mes affaires de voyage. Il voulait savoir ce qu’on allait faire de mes collections. Je lui dis qu’elles resteraient à l’hôtel et que ma ménagerie serait envoyée plus tard en France. Il accepta tout sans discuter.
Nous allions sur un navire appelé l’Abraham-Lincoln. Ce bateau était très rapide et spécial. Il était parfait pour trouver le monstre marin. Je lui dis :
« Nous partons à la recherche de la Licorne. Ce voyage est dangereux, mais c’est une mission importante. »
Conseil répondit simplement : « Comme fera monsieur, je ferai. »
En quinze minutes, tout était prêt. Conseil rangea les valises rapidement. Nous descendîmes et prîmes une voiture pour aller au port de New York. Un ferry nous emmena à Brooklyn, où était le bateau.
Quand j’arrivai, je demandai le commandant Farragut. Un marin me conduisit à lui. Le commandant me salua et me montra ma cabine. Elle était confortable et bien aménagée. Je dis à Conseil :
« Nous serons bien ici. »
Il répondit calmement : « Aussi bien qu’un bernard-l’hermite dans sa coquille. »
Je montai sur le pont pour regarder le départ. Le commandant Farragut donna ses ordres, et le bateau commença à bouger. La vapeur sortait des cheminées, et l’hélice tournait. Le navire avançait doucement. Des milliers de personnes étaient sur les quais pour nous voir partir. Elles criaient, agitaient des mouchoirs et applaudissaient.
L’Abraham-Lincoln quitta le port. Nous passâmes devant des forts qui tirèrent leurs canons en signe de salut. Le navire accéléra. À la nuit tombée, nous étions dans l’océan Atlantique.
Ce voyage allait être extraordinaire. Mais il était aussi très risqué. Allions-nous réussir à trouver le monstre ?
– TO BE CONTINUED –
1- Conseil est le domestique de Monsieur Aronnax depuis deux ans.
2- Monsieur Aronnax veut retourner directement à Paris après avoir vu la Licorne.
3- Le navire sur lequel embarquent Monsieur Aronnax et Conseil s’appelle l’Abraham-Lincoln.
4- Le commandant Farragut est pressé de partir pour ne pas manquer le monstre marin.
5- Conseil est nerveux à l’idée de partir à la recherche de la Licorne.
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CHAPITRE III — COMME IL PLAIRA A MONSIEUR
Trois secondes avant de recevoir la lettre de J.-B. Hobson, je ne pensais pas à chasser la Licorne. Mais, après avoir lu cette lettre, je compris que c’était ma mission : traquer ce mystérieux monstre marin. Pourtant, je revenais d’un long voyage, fatigué et impatient de rentrer chez moi, à Paris, pour retrouver mes collections et ma vie tranquille. Mais je ne résistai pas à l’appel de l’aventure. J’acceptai immédiatement l’offre du gouvernement américain.
Je pensais : « Peut-être que ce monstre se dirige vers l’Europe, et qu’il me ramènera en France ! » Mais, avant cela, il fallait aller dans l’Océan Pacifique, loin de mon pays.
« Conseil ! » criai-je avec impatience.
Conseil était mon fidèle domestique, un Flamand calme et dévoué. Il me suivait dans tous mes voyages depuis dix ans. C’était un garçon phlegmatique, toujours prêt à partir, quelle que soit la destination. Il était robuste et en bonne santé, et ne se plaignait jamais. Sa spécialité ? Classer tout ce qui existait : animaux, plantes, objets… Pourtant, il ne distinguait pas une baleine d’un cachalot. Mais il restait un compagnon précieux et digne de confiance.
Conseil avait 30 ans, et moi, 40. Il avait un défaut : il me parlait toujours à la troisième personne, ce qui était parfois agaçant.
« Conseil ! » répétais-je tout en préparant mes affaires.
Cette expédition était risquée, et je ne voulais pas l’obliger à m’accompagner sans lui laisser le choix. Pourtant, je savais déjà qu’il accepterait.
« Conseil ! » criai-je une troisième fois.
Il apparut enfin et demanda calmement :
« Monsieur m’appelle ? »
« Oui, prépare-toi. Nous partons dans deux heures. »
Sans hésiter, il répondit : « Comme il plaira à monsieur. »
Je lui expliquai de faire une valise avec mes vêtements et mes affaires de voyage. Il demanda :
« Et les collections de monsieur ? »
Je répondis que nous les laisserions à l’hôtel, et que ma ménagerie serait envoyée en France plus tard. Conseil accepta sans poser plus de questions.
« Nous embarquons sur l’Abraham-Lincoln », ajoutai-je.
« Très bien, monsieur », dit-il.
Je lui expliquai que nous partions à la recherche du célèbre narval. Cette créature étrange avait déjà coulé des navires. Mais pour moi, c’était une mission importante, même si dangereuse. Conseil répondit simplement :
« Comme fera monsieur, je ferai. »
En un quart d’heure, tout était prêt. Conseil rangea mes affaires avec précision, comme il classait des animaux dans un musée. Nous descendîmes à l’entrée de l’hôtel. Là, je réglai ma note et donnai des instructions pour mes collections. Puis, nous montâmes dans une voiture qui nous conduisit au port de New York.
Le ferry nous transporta, avec la voiture, à Brooklyn, où se trouvait l’Abraham-Lincoln. Ce grand navire, choisi pour cette mission spéciale, était prêt à partir. Sa vapeur noire s’échappait des cheminées, et les spectateurs se pressaient pour assister au départ.
Sur le quai, je demandai à voir le commandant Farragut. Un marin me conduisit à lui. Le commandant, un homme de bonne allure, me souhaita la bienvenue et m’indiqua ma cabine. Celle-ci, bien aménagée, se trouvait à l’arrière du navire, proche des officiers. Je dis à Conseil :
« Nous serons bien ici. »
Il répondit avec son calme habituel :
« Aussi bien qu’un bernard-l’hermite dans sa coquille. »
Je laissai Conseil ranger nos bagages pendant que je montai sur le pont pour observer les préparatifs. Le commandant Farragut donnait ses derniers ordres. Il était pressé de partir et ne voulait pas perdre de temps.
Enfin, l’ordre fut donné : « Go ahead ! » La vapeur siffla, les pistons se mirent en mouvement, et l’hélice commença à tourner. L’Abraham-Lincoln s’éloigna lentement du quai, salué par une foule immense. Des hurrahs éclatèrent, et des mouchoirs s’agitèrent. Le navire passa devant les forts, qui tirèrent leurs canons en signe de salut. Le drapeau américain fut hissé trois fois.
Alors que le navire sortait du port, des petits bateaux continuaient de l’accompagner. À trois heures, le pilote quitta le navire et rejoignit son propre bateau. L’Abraham-Lincoln accéléra, longeant la côte de Long Island. À huit heures du soir, les lumières de Fire Island disparurent derrière nous, et le navire entra dans l’Atlantique.
Cette expédition promettait d’être extraordinaire, mais aussi dangereuse. Le monstre marin que nous allions chercher défiait l’imagination, et son existence-même était mise en doute par certains. Pourtant, je savais que cette aventure resterait gravée dans ma mémoire.
– À SUIVRE –
1- Le narrateur avait initialement prévu de chasser la Licorne avant de recevoir la lettre.
2- Le narrateur préfère rester à Paris pour s’occuper de ses collections plutôt que de partir en expédition.
3- Conseil est un serviteur fidèle qui accompagne le narrateur depuis dix ans.
4- Conseil est un expert en biologie marine et peut facilement reconnaître les cétacés.
5- Le narrateur confie ses collections d’animaux empaillés à Conseil pour les transporter sur le navire.
6- L’Abraham-Lincoln est équipé de technologies modernes qui lui permettent d’être très rapide.
7- Le commandant Farragut exprime des doutes sur l’existence du narval.
8- L’Abraham-Lincoln quitte le port sous les acclamations de milliers de spectateurs.
9- Conseil hésite à suivre le narrateur dans cette expédition dangereuse.
10- Le narrateur est satisfait de la cabine qui lui a été attribuée sur le navire.
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CHAPITRE III — COMME IL PLAIRA A MONSIEUR
Trois secondes avant l’arrivée de la lettre de J.-B. Hobson, je ne songeais pas plus à poursuivre la Licorne qu’à tenter le passage du Nord-Ouest. Trois secondes après avoir lu la lettre de l’honorable secrétaire de la marine, je comprenais enfin que ma véritable vocation, l’unique but de ma vie, était de chasser ce monstre inquiétant et d’en purger le monde.
Cependant, je revenais d’un pénible voyage, fatigué, avide de repos. Je n’aspirais plus qu’à revoir mon pays, mes amis, mon petit logement du Jardin des Plantes, mes chères et précieuses collections ! Mais rien ne put me retenir. J’oubliai tout, fatigues, amis, collections, et j’acceptai sans plus de réflexions l’offre du gouvernement américain.
« D’ailleurs, pensai-je, tout chemin ramène en Europe, et la Licorne sera assez aimable pour m’entraîner vers les côtes de France ! Ce digne animal se laissera prendre dans les mers d’Europe,—pour mon agrément personnel,—et je ne veux pas rapporter moins d’un demi-mètre de sa hallebarde d’ivoire au Muséum d’histoire naturelle. »
Mais, en attendant, il me fallait chercher ce narwal dans le nord de l’Océan Pacifique ; ce qui, pour revenir en France, était prendre le chemin des antipodes.
« Conseil ! » criai-je d’une voix impatiente.
Conseil était mon domestique. Un garçon dévoué qui m’accompagnait dans tous mes voyages ; un brave flamand que j’aimais et qui me le rendait bien ; un être phlegmatique par nature, régulier par principe, zélé par habitude, s’étonnant peu des surprises de la vie, très-adroit de ses mains, apte à tout service, et, en dépit de son nom, ne donnant jamais de conseils,—même quand on ne lui en demandait pas.
A se frotter aux savants de notre petit monde du Jardin des Plantes, Conseil en était venu à savoir quelque chose. J’avais en lui un spécialiste, très-ferré sur la classification en histoire naturelle, parcourant avec une agilité d’acrobate toute l’échelle des embranchements, des groupes, des classes, des sous-classes, des ordres, des familles, des genres, des sous-genres, des espèces et des variétés. Mais sa science s’arrêtait là. Classer, c’était sa vie, et il n’en savait pas davantage. Très-versé dans la théorie de la classification, peu dans la pratique, il n’eût pas distingué, je crois, un cachalot d’une baleine ! Et cependant, quel brave et digne garçon !
Conseil, jusqu’ici et depuis dix ans, m’avait suivi partout où m’entraînait la science. Jamais une réflexion de lui sur la longueur ou la fatigue d’un voyage. Nulle objection à boucler sa valise pour un pays quelconque, Chine ou Congo, si éloigné qu’il fût. Il allait là comme ici, sans en demander davantage. D’ailleurs d’une belle santé qui défiait toutes les maladies ; des muscles solides, mais pas de nerfs, pas l’apparence de nerfs,—au moral, s’entend.
Ce garçon avait trente ans, et son âge était à celui de son maître comme quinze est à vingt. Qu’on m’excuse de dire ainsi que j’avais quarante ans.
Seulement, Conseil avait un défaut. Formaliste enragé, il ne me parlait jamais qu’à la troisième personne,—au point d’en être agaçant.
« Conseil ! » répétai-je, tout en commençant d’une main fébrile mes préparatifs de départ.
Certainement, j’étais sûr de ce garçon si dévoué. D’ordinaire, je ne lui demandais jamais s’il lui convenait ou non de me suivre dans mes voyages ; mais cette fois, il s’agissait d’une expédition qui pouvait indéfiniment se prolonger, d’une entreprise hasardeuse, à la poursuite d’un animal capable de couler une frégate comme une coque de noix ! Il y avait là matière à réflexion, même pour l’homme le plus impassible du monde ! Qu’allait dire Conseil ?
« Conseil ! » criai-je une troisième fois.
Conseil parut.
« Monsieur m’appelle ? dit-il en entrant.
— Oui, mon garçon. Prépare-moi, prépare-toi. Nous partons dans deux heures.
— Comme il plaira à monsieur, répondit tranquillement Conseil.
— Pas un instant à perdre. Serre dans ma malle tous mes ustensiles de voyage, des habits, des chemises, des chaussettes, sans compter, mais le plus que tu pourras, et hâte-toi !
— Et les collections de monsieur ? fit observer Conseil.
— On s’en occupera plus tard.
— Quoi ! les archiotherium, les hyracotherium, les oréodons, les chéropotamus et autres carcasses de monsieur ?
— On les gardera à l’hôtel.
— Et le babiroussa vivant de monsieur ?
— On le nourrira pendant notre absence. D’ailleurs, je donnerai l’ordre de nous expédier en France notre ménagerie.
— Nous ne retournons donc pas à Paris ? demanda Conseil.
— Si… certainement… répondis-je évasivement, mais en faisant un crochet.
— Le crochet qui plaira à monsieur.
— Oh ! ce sera peu de chose ! Un chemin un peu moins direct, voilà tout. Nous prenons passage sur l’Abraham-Lincoln.
— Comme il conviendra à monsieur, répondit paisiblement Conseil.
— Tu sais, mon ami, il s’agit du monstre… du fameux narwal… Nous allons en purger les mers !… L’auteur d’un ouvrage in-quarto en deux volumes sur les Mystères des grands fonds sous-marins ne peut se dispenser de s’embarquer avec le commandant Farragut. Mission glorieuse, mais… dangereuse aussi ! On ne sait pas où l’on va ! Ces bêtes-là peuvent être très-capricieuses ! Mais nous irons quand même ! Nous avons un commandant qui n’a pas froid aux yeux !…
— Comme fera monsieur, je ferai, répondit Conseil.
— Et songes-y bien ! car je ne veux rien te cacher. C’est là un de ces voyages dont on ne revient pas toujours !
— Comme il plaira à monsieur. »
Un quart d’heure après, nos malles étaient prêtes. Conseil avait fait en un tour de main, et j’étais sûr que rien ne manquait, car ce garçon classait les chemises et les habits aussi bien que les oiseaux ou les mammifères.
L’ascenseur de l’hôtel nous déposa au grand vestibule de l’entresol. Je descendis les quelques marches qui conduisaient au rez-de-chaussée. Je réglai ma note à ce vaste comptoir toujours assiégé par une foule considérable. Je donnai l’ordre d’expédier pour Paris (France) mes ballots d’animaux empaillés et de plantes desséchées. Je fis ouvrir un crédit suffisant au babiroussa, et, Conseil me suivant, je sautai dans une voiture.
Le véhicule à vingt francs la course descendit Broadway jusqu’à Union-square, suivit Fourth-Avenue jusqu’à sa jonction avec Bowery-street, prit Katrin-street et s’arrêta à la trente-quatrième pier[2]. Là, le Katrin-ferry-boat nous transporta, hommes, chevaux et voiture, à Brooklyn, la grande annexe de New-York, située sur la rive gauche de la rivière de l’Est, et en quelques minutes, nous arrivions au quai près duquel l’Abraham-Lincoln vomissait par ses deux cheminées des torrents de fumée noire.
[2] Sorte de quai spécial à chaque bâtiment.
Nos bagages furent immédiatement transbordés sur le pont de la frégate. Je me précipitai à bord. Je demandai le commandant Farragut. Un des matelots me conduisit sur la dunette, où je me trouvai en présence d’un officier de bonne mine qui me tendit la main.
« Monsieur Pierre Aronnax ? me dit-il.
— Lui-même, répondis-je. Le commandant Farragut ?
— En personne. Soyez le bienvenu, monsieur le professeur. Votre cabine vous attend. »
Je saluai, et laissant le commandant aux soins de son appareillage, je me fis conduire à la cabine qui m’était destinée.
L’Abraham-Lincoln avait été parfaitement choisi et aménagé pour sa destination nouvelle. C’était une frégate de grande marche, munie d’appareils surchauffeurs, qui permettaient de porter à sept atmosphères la tension de sa vapeur. Sous cette pression, l’Abraham-Lincoln atteignait une vitesse moyenne de dix-huit milles et trois dixièmes à l’heure, vitesse considérable, mais cependant insuffisante pour lutter avec le gigantesque cétacé.
Les aménagements intérieurs de la frégate répondaient à ses qualités nautiques. Je fus très-satisfait de ma cabine, située à l’arrière, qui s’ouvrait sur le carré des officiers.
« Nous serons bien ici, dis-je à Conseil.
— Aussi bien, n’en déplaise à monsieur, répondit Conseil, qu’un bernard-l’hermite dans la coquille d’un buccin. »
Je laissai Conseil arrimer convenablement nos malles, et je remontai sur le pont afin de suivre les préparatifs de l’appareillage.
A ce moment, le commandant Farragut faisait larguer les dernières amarres qui retenaient l’Abraham-Lincoln à la pier de Brooklyn. Ainsi donc, un quart d’heure de retard, moins même, et la frégate partait sans moi, et je manquais cette expédition extraordinaire, surnaturelle, invraisemblable, dont le récit véridique pourra bien trouver cependant quelques incrédules.
Mais le commandant Farragut ne voulait perdre ni un jour, ni une heure pour rallier les mers dans lesquelles l’animal venait d’être signalé. Il fit venir son ingénieur.
« Sommes-nous en pression ? lui demanda-t-il.
— Oui, monsieur, répondit l’ingénieur.
— « Go ahead, » cria le commandant Farragut.
A cet ordre, qui fut transmis à la machine au moyen d’appareils à air comprimé, les mécaniciens firent agir la roue de la mise en train. La vapeur siffla en se précipitant dans les tiroirs entr’ouverts. Les longs pistons horizontaux gémirent et poussèrent les bielles de l’arbre. Les branches de l’hélice battirent les flots avec une rapidité croissante, et l’Abraham-Lincoln s’avança majestueusement au milieu d’une centaine de ferry-boats et de tenders[3] chargés de spectateurs, qui lui faisaient cortége.
[3] Petits bateaux à vapeur qui font le service des grands steamers.
Les quais de Brooklyn et toute la partie de New-York qui borde la rivière de l’Est étaient couverts de curieux. Trois hurrahs, partis de cinq cent mille poitrines, éclatèrent successivement. Des milliers de mouchoirs s’agitèrent au-dessus de la masse compacte et saluèrent l’Abraham-Lincoln jusqu’à son arrivée dans les eaux de l’Hudson, à la pointe de cette presqu’île allongée qui forme la ville de New-York.
Alors, la frégate, suivant du côté de New-Jersey l’admirable rive droite du fleuve toute chargée de villas, passa entre les forts qui la saluèrent de leurs plus gros canons. L’Abraham-Lincoln répondit en amenant et en hissant trois fois le pavillon américain, dont les trente-neuf étoiles resplendissaient à sa corne d’artimon; puis, modifiant sa marche pour prendre le chenal balisé qui s’arrondit dans la baie intérieure formée par la pointe de Sandy-Hook, il rasa cette langue sablonneuse où quelques milliers de spectateurs l’acclamèrent encore une fois.
Le cortége des boats et des tenders suivait toujours la frégate, et il ne la quitta qu’à la hauteur du light-boat dont les deux feux marquent l’entrée des passes de New-York.
Trois heures sonnaient alors. Le pilote descendit dans son canot, et rejoignit la petite goëlette qui l’attendait sous le vent. Les feux furent poussés ; l’hélice battit plus rapidement les flots ; la frégate longea la côte jaune et basse de Long-Island, et, à huit heures du soir, après avoir perdu dans le nord-ouest les feux de Fire-Island, elle courut à toute vapeur sur les sombres eaux de l’Atlantique.
– À SUIVRE –
1- Pierre Aronnax a immédiatement accepté l’offre de poursuivre la Licorne après avoir reçu la lettre de J.-B. Hobson.
2- Conseil, le domestique de Pierre Aronnax, est un expert en classification et sait parfaitement distinguer un cachalot d’une baleine.
3- Pierre Aronnax et Conseil prévoient de retourner directement à Paris après leur expédition.
4- Le commandant Farragut est l’officier en charge de l’Abraham-Lincoln.
5- Conseil n’accepte jamais de suivre son maître dans des expéditions longues et dangereuses.
6- L’Abraham-Lincoln est équipé d’appareils surchauffeurs permettant d’atteindre une vitesse de dix-huit milles et trois dixièmes à l’heure.
7- Pierre Aronnax a transporté lui-même ses collections d’animaux empaillés à bord de l’Abraham-Lincoln.
8- Le babiroussa de Pierre Aronnax devait être transporté avec lui à bord de l’Abraham-Lincoln.
9- L’Abraham-Lincoln a quitté le port de Brooklyn en début d’après-midi, accompagné de nombreux spectateurs sur des ferry-boats et des tenders.
10- Le pilote est resté à bord de l’Abraham-Lincoln jusqu’à ce qu’il atteigne l’Atlantique.
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Nous arrivons maintenant au troisième chapitre du roman. Aronnax accepte naturellement l’invitation sans la moindre hésitation. Bien qu’il revienne tout juste d’un long voyage d’exploration, il ordonne à son serviteur Conseil de préparer les bagages. Verne prend à présent le temps de décrire plus en détail le serviteur, qui accompagnera assurément son maître lors de cette nouvelle expédition. Conseil est l’idéal du serviteur d’un scientifique grand voyageur : habile dans toutes ses tâches, doté d’une bonne constitution physique et de santé, et toujours loyal envers son maître. Ce type de serviteur se retrouve dans de nombreux romans de Jules Verne et de son époque. Conseil se distingue toutefois des autres compagnons de protagonistes par le fait qu’il possède, contrairement à eux, des capacités intellectuelles qui s’avèrent particulièrement utiles au naturaliste Aronnax. Il est capable de classer avec précision toutes les espèces de faune ou de flore.
Aronnax et Conseil montent sans hésiter à bord de l’Abraham-Lincoln. Suit une brève description de la frégate. Il s’agit d’un navire de guerre typique de l’époque, une combinaison de voilier et de vapeur, déjà équipé d’une hélice. La vitesse maximale de 18 nœuds semble un peu exagérée, car des navires similaires atteignaient généralement 15 nœuds. Le nom de la frégate, Abraham-Lincoln, bien que fictif, peut sembler étrange, car la mort du président en avril 1865, à l’époque où se déroule le roman, remontait à tout au plus un an. La description très précise de la route depuis le port de New York jusqu’à la haute mer, ainsi que le cérémonial des adieux, témoignent des recherches approfondies que Verne menait avant d’écrire ses romans.
Il convient de noter ici que Verne mentionne, consciemment ou non, 39 étoiles sur le drapeau américain, alors qu’en 1866, il n’y en avait en réalité que 37. Le commandant de l’Abraham-Lincoln s’appelle Farragut, un nom emprunté à l’histoire réelle des États-Unis. David G. Farragut était un amiral de l’Union pendant la guerre de Sécession, surtout connu pour son audace. La célèbre phrase : « Damn the torpedoes! Full speed ahead! » (trad. : « Que les torpilles aillent au diable ! Plein gaz en avant ! ») lui est attribuée et reste encore citée aujourd’hui.
Le style d’écriture de Verne, bien que moderne pour son époque, semble parfois vieilli aujourd’hui. Par exemple, l’utilisation du trait d’union dans les mots « très-adroit », « très-versé » ou « très-serré » est passée de mode, tout comme le mot “quelconque”. De même, le mot “in-quarto” est introuvable dans les dictionnaires modernes. À l’origine, il désignait une manière de plier une feuille de papier en quatre parties, “en quatre”. Par la suite, il indiquait également le format d’une feuille ou d’un livre mesurant environ 20 × 30 centimètres. Comme cette taille était généralement utilisée pour des écrits d’importance, Verne l’emploie dans son roman pour souligner des affirmations de manière élégante et érudite. Réjouissons-nous à présent des prochaines aventures d’Aronnax, de Conseil et de la frégate Abraham-Lincoln !
– Sepp
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